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BEAUX-ARTS. A Genève, une biennale d'art contemporain
invite à réfléchir sur la perception de l'espace aujourd'hui, à
travers l'évolution de l'art, de la muséologie et de l'architecture.
Un débat est venu enrichir les différentes expositions.
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Peut-on habiter une image? Architectes, artistes,
commissaires d'exposition, à chacun sa version Elisabeth Chardon Lundi 4 novembre 2002
Devant leur flot continuel en ce tournant de millénaire, les
images ont bien souvent été accusées de nous posséder, de nous
habiter. Une crainte qui remonte au moins aux Dix commandements,
comme l'a souligné samedi Christian Bernard, directeur du Mamco
(Musée d'art moderne et contemporain de Genève), lors d'une table
ronde dans le cadre de la 5e biennale Version. Pour cette édition,
le Centre pour l'art contemporain a en fait étayer la thèse
contraire, celle de «L'Image habitable». Outre une série
d'expositions dont la plupart ont débuté la semaine dernière, la
manifestation comprenait samedi cette table ronde, mélange luxuriant
d'idées et de témoignages sur l'art virtuel et son habitabilité
ainsi que sur la muséologie actuelle. En voici quelques éléments.
Les architectes sont bien sûr très concernés par ces
questions, eux qui, par différentes formes de modélisation, doivent
faire comprendre un bâtiment en devenir. Le Français François Roche,
dont les propos sont souvent encore plus radicaux et insolents que
l'architecture – il lui est arrivé de traiter Jean Nouvel d'«icône
pour magazines féminins» – a ainsi projeté samedi quelques images de
ses projets. Celles-ci n'ont en fait pris toute leur dimension
qu'habillées de sa verve explicative. Ainsi, le musée d'art
contemporain qu'il construit à Bangkok ressemble, extérieurement, à
une sorte de vaste ectoplasme grisâtre, dessiné grâce à un travail
de déformation des images par ordinateur. Il est recouvert d'un
grillage électrostatique qui captera une partie de la poussière de
la ville, parmi les plus polluées du monde. A l'intérieur, les
traditionnels «white cubes» de la muséographie mondiale. Un projet
révélateur du travail de François Roche, par sa forte implication
géopolitique. Le rapport au site est également très fort avec le
futur Musée de la glaciation dessiné pour Evolène et qui figure une
tour de quatre glaçons géants superposés, soit quatre blocs de
mélèze.
Les «white cubes» du projet de Bangkok ont par
ailleurs fait bondir Christian Bernard. C'est que, sans préjuger des
formes d'art à exposer demain, il les juge d'ores et déjà plus
contraignantes que neutres pour celui d'aujourd'hui. Sans doute
parce que cet art est souvent a-formel. Une libération des formes,
de l'espace, voire de la matière, qui n'a cessé de se développer
depuis Bruce Naumann, cité par Simon Lamunière, commissaire général
de Version, comme ayant été le premier à inviter le public à
s'immerger dans une installation plutôt que de tourner autour d'une
sculpture.
Ainsi, l'idée d'image habitable s'enrichit-elle
lorsqu'on admet qu'aujourd'hui ce qui fait image ne s'installe plus
forcément dans un cadre et, par conséquent, n'entre pas non plus
dans un espace muséal traditionnel. L'agrandissement virtuel du
Bâtiment d'art contemporain (l'immeuble du Mamco) imaginé par les
Lausannois de fabric | ch récapitule bien cela. Développé sur
Internet (www.electroscape.org), il accueille une œuvre de
l'Autrichien Heimo Zobernig, comme une simple page blanche. On la
tourne pour retrouver une autre page blanche, infiniment. Au Mamco,
cette page possède un double, grande paroi que le visiteur fera
pivoter pour ouvrir le «white cube» – encore un –, faisant
apparaître un ordinateur en réseau.
Version se poursuit
jusqu'au 15 janvier. Lieu principal: Centre pour l'image
contemporaine, rue du Temple 5, à Genève, tél. 022/908 20 60.
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